Ecole et cinéma

École et cinéma propose aux élèves, de la grande section de maternelle (parfois à partir de la moyenne section) au cours moyen (CM2), de découvrir des œuvres cinématographiques lors de projections organisées spécialement à leur intention dans les salles de cinéma.
Ils commencent ainsi, grâce au travail pédagogique d’accompagnement conduit par les enseignants et les partenaires culturels, une initiation au cinéma.
Dans les Pyrénées-Orientales, l’action est coordonnée par l’Institut Jean-Vigo. Il intervient directement pour les écoles de Perpignan, les associations Cinémaginaire et Ciné-Rencontres de Prades ont en charge le reste du département.

Cycle 2 – GS/CP/CE1/CE2

Peau d’Ane

Jacques Demy, France, 1970, 1h30

Prévisionnage : le jeudi 21 septembre 2023 à 18h au cinéma Castillet de Perpignan


Le roi bleu promet à sa reine mourante de ne se remarier qu’avec une femme plus belle qu’elle. Des années plus tard, il décide d’épouser sa fille car elle seule est capable de rivaliser en beauté avec son épouse adorée.

Pourquoi Peau d’âne ?

Parce qu’une Princesse refuse d’épouser son père. Parce qu’un âne fait bêtement des crottes d’or. Parce qu’une rose qui parle vous regarde toujours dans les yeux. Parce qu’une fée tombe amoureuse et que cela ne se fait pas. Parce qu’un Prince a su rester charmant. Parce qu’enfin cette histoire de doigt et d’anneau, de vous à moi, c’est fort curieux. Il faut en avoir le cœur net. C’est pour cela qu’il faut que Peau d’âne nous soit conté.

Jacques Demy

Model Shop, tourné aux États-Unis dans l’euphorie exploratrice de la Californie, du mouvement hippie et de la contre-culture, était finalement un film très bressonien, à la mise en scène épurée. Avec cette adaptation foisonnante du célèbre conte de Charles Perrault, Jacques Demy réalise son film le plus enchanteur et le plus baroque, nourri d’influences américaines et françaises, modernes et classiques. Le cinéaste injecte avec beaucoup de fantaisie sa fascination pour le pop art et le psychédélisme dans un univers médiéval rêvé par le petit garçon qu’il fut jadis. Peau d’âne est un retour à la France et à l’enfance, un voyage dans l’espace et le temps. Anachronique par rapport à l’époque de son tournage, le film ressuscite un courant du cinéma français (le merveilleux) qui a toujours été marginal dans la production hexagonale. Le cinéaste s’amuse en orchestrant paradoxes, décalages, rencontres fortuites et déplacements en tout genre. Sur le plan visuel, Peau d’âne offre un mélange surprenant où se croisent l’influence de l’art contemporain, le souvenir des dessins animés de Walt Disney (plus particulièrement Blanche-Neige et les sept nains), la collision entre Andy Warhol et Gustave Doré. C’est avant tout un hommage à La Belle et la Bête, avec la présence de Jean Marais dans le rôle du roi et des citations directes aux costumes et aux décors du chef-d’œuvre de Jean Cocteau. Demy retrouve son égérie Catherine Deneuve, parfaite dans un rôle qui lui permet à nouveau d’exprimer une forme de dualité, entre lumière et ténèbres, comme dans Belle de jour mais aussi Les Parapluies de Cherbourg. La fée des Lilas, fée émancipée, élégante et tournée vers la modernité, est interprétée avec beaucoup d’esprit par Delphine Seyrig, qui trouve ici son rôle le plus mémorable entre L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais et India Song de Marguerite Duras. La popularité de Peau d’âne ne s’est jamais démentie. De génération en génération, ce véritable film culte, dont on connaît par cœur les chansons et les répliques, continue d’enchanter les enfants et les adultes. Le curieux assemblage esthétique et les extravagances visuelles semblent le protéger des modes. Peau d’âne épouse le regard d’un enfant, mais n’oublie pas les multiples niveaux de lecture psychanalytique du conte. Le film traite sans embarras du tabou de l’inceste et illustre une dialectique pureté-impureté qui est au cœur du cinéma de Demy. Les héroïnes du cinéaste sont en effet des princesses et des souillons, des filles-mères, des putains et des amoureuses fidèles, ou des vierges qui tombent enceintes dès la première nuit d’amour. Ce jeu entre les différents états d’une femme trouve son illustration parfaite dans la scène du gâteau, où Catherine Deneuve est à la fois la princesse immaculée et Peau d’âne. Réputée pour son humour et ses images féeriques, Peau d’âne dissimule aussi des zones d’ombre sous les dorures et recèle des trésors de perversité.

Le Magicien d’Oz

Victor Flemming – Etats-Unis – 1939 – 1h46

Prévisionnage : Le jeudi 9 novembre à 18h au cinéma Castillet de Perpignan

La jeune Dorothy vit tranquillement dans une ferme du Kansas avec son oncle, sa tante Em* et ses trois amis, ouvriers agricoles. La petite fille rêve toujours d’aller « au-delà de l’arc-enciel ». Quand l’horrible Miss Gulch veut emporter Toto, son chien, Dorothy s’enfuit pour le protéger. Une rencontre avec le docteur Merveille l’incite à retourner à la ferme, mais un cyclone arrive ! Une fenêtre tombe sur Dorothy.

Elle entre alors dans un rêve qui l’amène dans un pays enchanté où habite le petit peuple des Munchkins. Ceux-ci la fêtent comme une héroïne, car en atterrissant dans sa maison, Dorothy a écrasé la Méchante Sorcière de l’Est qui les terrorisait. Arrive la Bonne Sorcière du Nord. À la grande rage de la Sinistre Sorcière de l’Ouest, elle donne à Dorothy les souliers de rubis de la méchante Sorcière. Dorothy, pour rentrer au Kansas, devra aller consulter le Magicien d’Oz en suivant la route de brique jaune.

Chemin faisant, elle va rencontrer un Épouvantail sans cervelle, un Homme en fer blanc sans coeur et un Lion peureux. Tous trois, avec le fidèle Toto, l’accompagnent pour voir le Magicien. Mais la Sinistre Sorcière a juré de reprendre à Dorothy les souliers de rubis et tous les moyens sont bons pour attraper la petite fille et son chien. Comment Dorothy arrivera-t-elle au Kansas ?

Le Magicien d’Oz (1939) est un classique hollywoodien de l’âge d’or des studios, comme Autant en emporte le vent (1939) ou Casablanca (1942). C’est un film-événement : premier musical en couleurs qui nous emmène dans le monde enchanté d’Oz, vers le chant, la danse et la couleur. Ce film qui révèle Judy Garland a marqué des générations de spectateurs et de cinéastes. Pourtant, il est traversé par un paradoxe : il n’est pas l’œuvre d’un seul artiste. Au contraire, plusieurs scénaristes et réalisateurs se sont succédé. Comment expliquer un tel succès quand on sait que le film échappe à la vision personnelle d’un auteur ? Le studio system ne favorisait en effet pas l’expression individuelle des artistes. Hypothèse souvent avancée : il s’agit d’un film de studio, signé MGM, avec des producteurs visionnaires qui ont chapeauté le projet dans son ensemble.

Le Magicien d’Oz offre un exemple type de ces films de studio. D’une part, c’est une superproduction : film à gros budget, décors monumentaux, couleurs, effets spéciaux, vaste distribution. D’autre part, c’est un film où se succèdent plusieurs auteurs. On compte en effet quatorze scénaristes dont seulement trois seront crédités au générique (le scénario définitif est remis le 8 octobre 1938)…

Et quatre réalisateurs.

Le premier, Richard Thorpe qui a intégré la MGM dans les années 30 (Tarzan trouve un fils, Les Aventures de Tarzan à New-York) est renvoyé au bout de deux semaines. En effet, Mervyn LeRoy (réalisateur-producteur) observe les rushes sans grande conviction. Rien ne lui plaît : Judy Garland est très maquillée, porte une perruque blonde, la réalisation manque de rythme, cela ne fonctionne pas. Richard Thorpe est remplacé par George Cukor qui développe en quelques jours le personnage de Dorothy tel que nous le connaissons, la brune espiègle au nez retroussé. Mais il ne reste pas longtemps sur le tournage car une autre superproduction MGM l’attend, le chef-d’œuvre Autant en emporte le vent, qui raflera plusieurs oscars en 1940 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté…). Victor Fleming le remplace et réalise la majeure partie du film. King Vidor réalisera les scènes d’ouverture et de clôture au Kansas, en noir et blanc.

Calamity Jane, une enfance de Jane Cannary

Rémy Chayé – France/Danemark – 2020 – 1h22

1863. Martha fait partie, avec son père, son petit frère et sa petite sœur, d’un convoi pour l’Oregon. Rivale du fils du chef du convoi, elle se propose pour conduire leur chariot, alors que son père s’est blessé. Mais ce rôle lui est refusé…

Cristal du meilleur film au Festival d’Annecy 2020, “Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary” nous propose de suivre le parcours de Martha, future Calamity Jane, remettant en question, à l’époque de la conquête de l’Ouest et de la fièvre de l’or, le rôle assigné d’avance à la femme : laver le linge, faire la cuisine, assurer la cueillette, aller chercher l’eau, s’habiller en robe… S’entraînant à conduire le chariot familial, à lancer le lasso ou à monter à cheval, cette adolescente téméraire subit naturellement l’animosité des hommes du convoi, comme des femmes, jusqu’à être exclue et traitée de voleuse. Là commencera la vraie aventure, alors qu’elle tentera de prouver sa bonne foi.

Graphiquement l’approche du Far West est très réussie. Rémi Chayé reprend les codes qui faisaient déjà le charme de son premier film (le sublime “Tout en haut du monde“) avec absence de trait de contour et multiples nuances et ombrages apportés par des aplats de couleurs. Permettant de mettre en avant la beauté de cette nature encore vierge, son travail met en valeur autant les paysages de plaine, les lueurs des feux de camps, que l’ondulation des herbes de la prairie. Doté d’un vrai sens de l’aventure et d’un rythme soutenu, ce récit d’émancipation féminine devrait faire le bonheur des enfants et adolescents


Cycle 3 CM1/CM2/6ème

Les Demoiselles de Rochefort

Jacques Demy, France, 1967, 2h05, VF

Prévisionnage : le jeudi 12 octobre 2023 à 18h au cinéma Castillet de Perpignan.


Delphine et Solange sont deux jumelles de 25 ans, ravissantes et spirituelles. Delphine, la blonde, donne des leçons de danse et Solange, la rousse, des cours de solfège. Elles vivent dans la musique comme d’autres vivent dans la lune et rêvent de rencontrer le grand amour au coin de la rue. Justement des forains arrivent en ville…

Les Demoiselles de Rochefort repose sur un paradoxe : réaliser en France une comédie musicale à l’américaine à grand spectacle avec chansons et ballets, mais la filmer dans une vraie ville, en décors naturels, sur la place de Rochefort. En ce sens, le film respecte l’optique « réaliste » de l’esthétique de la Nouvelle Vague qui entend privilégier la vérité des lieux, en référence au credo néo-réaliste des films italiens de l’après-guerre.


Le choix de la ville militaire de Rochefort offre au cinéaste le géométrisme accentué de son architecture. Les dallages réguliers de la Place Carrée se prêtent à la représentation des figures chorégraphiques qui se détachent ainsi sur un fond symétrique. Le sol de Rochefort offre l’équivalent des structures visuelles des ballets kaléidoscopiques de Busby Berkeley, le célèbre réalisateur et chorégraphe américain des 
Chercheuses d’or (1935) et de Place au rythme (1939).

Les chansons et les moments de danse jouent un rôle de premier plan dans cette stylisation du réel. Mais les paroles de celles-ci sont des prolongements directs des dialogues. Le film joue sur une distribution asymétrique des séquences dansées, chantées et dialoguées. Le chant n’est pas toujours au service du lyrisme amoureux, comme en témoigne la séquence de fait divers au cours de laquelle on découvre le corps découpé en morceaux d’une ancienne danseuse des Folies Bergère, Lola-Lola.

Edward aux mains d’argent

Tim Burton – Etats-Unis – 1990 – 1h43

Prévisionnage : Le jeudi 23 novembre à 18h au cinéma Castillet de Perpignan.

Dans un château niché au sommet d’une colline vivait un génial inventeur qui créa Edward. Bien que gratifié d’un charme irrésistible, ce dernier n’était pas tout à fait parfait. La mort soudaine de l’inventeur l’avait laissé pourvu de ciseaux acérés en guise de mains. Edward vivait reclus dans l’obscurité jusqu’au jour où la douce demoiselle Avon lui fit goûter aux joies d’un véritable foyer.


Autour du film

Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands) mêle plusieurs genres cinématographiques, le fantastique, le drame romantique et la comédie, et narre l’histoire d’un jeune homme, Edward, créé par un inventeur mais
resté inachevé et qui a des ciseaux à la place des mains. Edward est recueilli par Peg Boggs et tombe amoureux de sa fille, Kim, alors que les habitants de la banlieue résidentielle où il vit désormais l’accueillent d’abord chaleureusement avant de se retourner contre lui. Johnny Depp, dont c’est la première collaboration avec Burton, interprète le rôle-titre d’Edward. La distribution principale est également composée de Winona Ryder, Dianne Wiest, Alan Arkin, Kathy Baker et Anthony Michael Hall.

Le film marque aussi la dernière apparition de Vincent Price au cinéma.
Burton élabore l’idée du film d’après sa propre jeunesse passée dans une banlieue résidentielle de Burbank. Il engage Caroline Thompson pour scénariser son histoire. Le développement du projet est fortement accéléré à la suite du très important succès commercial remporté par Batman (1989), le précédent film de Burton. Le
tournage se déroule essentiellement en Floride, dans l’aire urbaine de Tampa Bay.
Le film est un succès commercial et est très bien accueilli par la critique. Il remporte plusieurs récompenses, dont le prix Hugo du meilleur film et le Saturn Award du meilleur film fantastique. Burton le considère comme son œuvre la plus personnelle. Il y développe des thèmes comme l’exclusion, la découverte de soi et la confrontation entre le fantastique et le conformisme. Le film lance la carrière de Depp et associe définitivement Burton au mouvement gothique.

Wadjda

De Haifaa El Mansour – Arabie Saoudite/Allemagne – 2012 – 1h37

Prévisionnage : Le jeudi 25 janvier 2024 au cinéma Castillet de Perpignan.

Wadjda, douze ans, habite dans une banlieue de Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite.Bien qu’elle grandisse dans un milieu conservateur, c’est une fille pleine de vie qui porte jeans et baskets, écoute du rock et ne rêve que d’une chose : s’acheter le beau vélo vert qui lui permettra de faire la course avec son ami Abdallah. Mais au royaume wahhabite, les bicyclettes sont réservées aux hommes car elles constituent une menace pour la vertu des jeunes filles.

Wadjda se voit donc refuser par sa mère la somme nécessaire à cet achat. Déterminée à trouver l’argent par ses propres moyens, Wadjda décide alors de participer au concours de récitation coranique organisé par son école, avec pour la gagnante, la somme tant désirée.

Wadjda, un sujet réaliste

Le casting est entièrement saoudien pour l’ensemble des acteurs. Quant à la principale source d’inspiration pour son héroïne, c’est sa nièce. Une enfant très libre qui voulait jouer au football et dont le père ultra conservateur a mis fin à tous ses rêves en la mariant. L’évocation de la vie quotidienne émane aussi de souvenirs personnels. Ainsi, le personnage de Madame Hessa évoque la directrice de la madrasa de la réalisatrice, devenue fondamentaliste suite à la révélation de sa relation amoureuse. Mais aussi le vélo vert que son père accepta de lui offrir, mais dont elle n’avait pas le droit de se servir en dehors de la maison. Ou les concours de Coran, très courants et populaires, car l’étude religieuse fait partie intégrante de l’éducation, y compris dans les écoles publiques. L’essentiel était pour la cinéaste d’être le plus réaliste : « Je souhaitais donner à ce débat intellectuel un visage humain – une histoire à laquelle on peut s’identifier et que les gens peuvent comprendre. (…) Je pense que le cœur de l’histoire parle à chacun d’entre nous, l’idée d’être montré comme différent pour vouloir quelque chose qui habituellement n’est pas acceptable ».

Le tournage ou l’histoire d’un talkie-walkie Le courage, l’énergie, la volonté et l’ingéniosité pour réaliser le film dans son pays natal sont à apprécier. La première difficulté rencontrée est celle du financement. Lors de la Berlinale de 2009, le projet séduit la compagnie allemande Razor (Paradise Now de Hany Abu-Assad en 2005, Valse avec Bachir d’Ari Folman en 2008) qui devient coproductrice aux côtés d’un appui saoudien des plus étonnants.

Bien que « la stricte interprétation de la religion exclut l’art de la vie publique et de la société, [explique] la réalisatrice [qui] a réussi à convaincre le prince Al-Walid Ben Talal, via sa société Rotana Studios. Le prince est un progressiste qui veut mettre en avant les femmes ». Les autorisations de filmer obtenues auprès de la commission de la capitale saoudienne et après examen du scénario, Haifaa Al-Mansour tourne enfin. L’équipe hybride composée d’Allemands et de Saoudiens déjoue de multiples obstacles en variant leur planning façon « ou bien, ou bien », propre à la narration de Smoking / No smoking (1993) de Alain Resnais. Dans ce film, le récit s’étoffe en permanence. L’action arrêtée quelques secondes reprend en proposant à l’aide d’intertitres un changement de lieu, de personnage, de résolution ou simplement de phrase. Les virtuosités narratives rendent ainsi compte de la complexité de la vie sujette à aucun déterminisme. Pour Wadjda, il y eut le choix quant aux aléas : « ou bien » la population exige régulièrement de voir les autorisations, « ou bien » elle se plaint sans raison du bruit comme celui du feu d’artifice, « ou bien » le refus de dernière minute du ministère à tourner dans une école d’État.