Au cœur des collections de l’Institut Jean Vigo, l’affichiste Boris Grinsson
D’origine Russe, installé en France, Boris Grinsson fut, des années 1930 aux années 1970, un des créateurs les plus prolifiques du monde de l’affiche de cinéma.
Il travaille surtout pour des compagnies américaines (RKO, MGM, Paramount), mais aussi pour l’Alliance cinématographique européenne (ACE), qui distribue des films français tournés en Allemagne. Grinsson est un bon portraitiste ; il travaille, comme d’autres affichistes, à partir de photos. Il maîtrise aussi bien l’académisme, la caricature que la composition géométrique. On lui doit de très belles séries d’affiches sur Laurel et Hardy, les Marx Brothers, la signature de grands films de l’histoire du cinéma comme Gilda, La Dame de Shangaï, les 400 coups… et les plus beaux portraits de Rita Hayworth, Marilyn Monroe, Véronica Lake, Brigitte Bardot…
L’Institut Jean Vigo compte près de 250 affiches de Boris Grinsson dans ses collections, nous vous en donnons un aperçu, ci-dessous.
Extrait de Grinsson, de Jean Segura, Stanislas Choko collection, 2006 :
Boris Grinsson sait tracer les courbes, trouver les bonnes couleurs, placer les clairs-obscurs, jauger les proportions et marier les personnages pour donner la glamour touch qui caractérise l’affiche française au tournant des années 1940-1950. Une facture qui plaît encore tellement aujourd’hui. Bien sûr, comme cela se produit souvent entre artistes proches, des mimétismes se tissent entre certains affichistes. C’est le cas notamment avec Soubie, Constantin Belinsky (autre émigré russe né en 1904 et arrivé à Paris en 1924). ou le Jean Mascii (né en 1926) de la période« litho ».
Après la guerre, le style du graphisme évolue encore: “J’avais envie de faire des choses plus simples, plus dépouillées, dans l’esprit de la maquette que j’ai réalisée pour le film Prisonnier du passé [Mervyn LeRoy,1942, avec Ronald Colman] », raconte- t-il lors de l’entretien avec Choko en 1989 . L’influence de la peinture abstraite se fait sentir et Grinsson ne se contente plus de représenter les acteurs en situation « réaliste». Il introduit à travers des lignes géométriques, des plages de couleurs, des éclairages improbables ou des détourages de silhouettes une dimension symbolique à ses images: le t rouble, le désir, la peur, l’ambiguïté ou la fantaisie. Et cela do n ne des affiches” déconstruites » comme Appelez Nord 777, thriller d’Henry Hathaway, Le Mur invisible, manifeste co ntre l’antisémitisme d’Elia Kazan, Les Dernières Vacances, conte grave et rafraîchissant de Roger Leenhardt. L’affiche de Miroir, un film aujourd’hui oublié, était une des préférées de Grinsson :
Jean Gabin s’y dédouble avec deux apparences différentes. Autre graphisme d’où se dégage l’idée de double personnalité : La Fosse aux serpents d’Anatole Litvak.
Comme pour beaucoup d’affichistes de sa génération, Grinsson aime à représenter le glamour du corps féminin comme une invitation au péché : cheveux défaits ou relevés, en lingerie ou robe fourreau, enlacées à leurs amants ou posant lascivement. C’est ainsi qu’on lui doit des portraits inoubliables de Lana Turner, Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Barbara Stanwyck, Veronica Lake, Jane Russell, Bette Davis, Martine Carol e t bien d’autres stars oubliées, étoiles filantes d’un seul film.
ll laissera aussi dans notre mémoire quantités d’affiches de films d’aventures et de films d’action, qu’il illustrera avec maîtrise et imagination. Citons parmi les westerns Les Pionniers de la Western Union de Fritz Lang, La Flèche brisée de Delmer Daves et Du sang sur la piste de Ray Enright; et parmi les thrillers, LeCarrefour de la mort d’Henry Hathaway, Le Caïd de Lesley Seiler ou Tueur à gages de Frank Tuttle.
Les péplums n’ont pas été son fort, exceptée une belle version deux panneaux en hauteur (160×240 cm). assez rare, de l’Egyptien de Michael Curtiz, sans parler des films de science-fiction (réservés, semble-t-il, à Soubie). Exception de taille: l’indispensable Le jour où la terre s’arrêta de Robert Wise.
Grinsson a touché aussi à quelques films d’horreur, dont ceux de la Hammer, bien que son collègue Guy Gérard Noël ait eu la plus belle part du gâteau; et a fait un cour t passage chez James Bond pour United Artists avec James Bond contre Dr.No et Bons Baisers de Russie, les meilleurs films de la série pour les puristes, et les affiches les plus recherchées aussi.
Grinsson a eu aussi rendez-vous avec Alfred Hitchcock pour qui il a réalisé une dizaine d’affiches dont le très troublant portrait de James Stewart pour La Corde, ou la silhouette menaçante de Joseph Cotten dans L’Ombre d’un doute.
On le retrouve avec le cinéma italien d’après-guerre, période néo-réaliste pour des films comme Les Amants diaboliques de luchino Visconti, Stromboli de Roberto Rosselini ou encore Miracle à Milan de Vittorio De Sica.
Et la nouvelle vague française lui aura fait, si l’on peut dire, un beau cadeau en lui donnant l’occasion de signer les affiches de trois de ses films les plus emblématiques : Les Quatre Cents Coups de François Truffaut, Le Beau Serge de Claude Chabrol et Hiroshima mon amour d’Alain Resnais.
Le dessin animé ne présentait pour lui aucune difficulté et il est déroutant de voir à quel point il a pu, comme Soubie d’ailleurs, imiter facilement les créateurs de personnages de Disney ou des frères Fleischer. Il empreinte ce côté” bande dessinée» pour réaliser deux magnifiques affiches pour Le Magicien d’Oz de Victor fleming, autre film de 1939 distribué en France en 1946. Grinsson a encore une corde à son arc, la caricature, dont il saura user pour des comédies, mais aussi en tant que dessinateur quasi attitré d’acteurs comiques tels que laurel et Hardy, les Marx Brothers, Mickey Rooney puis après-guerre Bob Hope et Jerry lewis.
ADAGP : Boris Grinsson
Laurel et Hardy, la bohémienne, James W. Horne, 1935 Mathurin, Max Fleischer. 1939 Pour qui sonne le glas, Sam Wood, 1943 Les Héros dans l’ombre, Irving Pichel, 1946 Sinbad le Marin, Richard Wallace, 1947 Les Corsaires sur la terre, 1947, Tay Garnett, Tarzan et la fontaine magique, Lee Sholem, 1949 Fortuné de Marseille, Henri Lepage et Pierre Mere, 1952 Fort Ti, William Castle, 1953 La Pensionnaire, Alberto Lattuada, 1954 Raspoutine, Georges Combret, 1954 Davy Crockett, roi des trappeurs, Norman Foster, 1955 Règlements de compte à O.K. Corral, John Sturges, 1956 Un magnifique salaud, George Seaton, 1956 Traqué par Scoltland Yard, John Guillermin, 1957 L’Extravagant Mr Cory, Blake Edwards, 1957 La Blonde ou la rousse, George Sydney, 1957 Rue Frédérick, Philip Dunne, 1958 Le Bruit et la fureur, Martin Ritt, 1959 Le Vent de la plaine, John Huston, 1959 Le Bossu de Rome, Carlo Lizzani, 1960 Allo… L’assassin vous parle, Hubert Cornfield, 1960 L’Arnaqueur, Robert Rossen, 1961 L’Arnaqueur, Robert Rossen, 1961 Les Bas-fonds new-yorkais, Samuel Fuller, 1961 Le sous-marin de l’apocalypse, Irwin Allen, 1961 La Farfelue de l’Arizona, Vincent Sherman, 1961 Gigot, le clochard de Belleville, Gene Kelly, 1962 Lutte sans merci, Philip Leacock, 1962 La Bataille des Thermopyles, Rudolph Mate, 1962 L’Homme qui tua Liberty Valance, John Ford, 1962 L’Aigle de Guam, Richard Goldstone et John Monks Jr., 1962 Marilyn, Harold Medford, 1963 Bons baisers de Russie, Terence Young, 1963 30 minutes de sursis, Sydnez Pollack, 1965 L’Encombrant Mr John, Jack Lee Thompson, 1965 La Grande Escapade, James-B. Clark , 1966
Laisser un commentaire